La chronique de la musique

La musique d’Erik Satie

Un article de Maëlle KOCH

 

Parfois, il me suffit d’une toute petite information sur une personne, qu’elle soit musicienne, écrivaine, politicienne ou autre pour que ma curiosité soit piquée et que j’ai envie d’approfondir mes recherches. En ce qui concerne Satie, c’est lorsque l’on m’a dit qu’il était mort seul sur un lit d’hôpital en raison de son alcoolisme, sans la notoriété qui est la sienne aujourd’hui, que j’ai décidé de me pencher sur son cas. Alors, enfilez vos casques, préparez vos abonnements Spotify et Deezer et plongez-vous dans l’univers d’Erik Satie.

 

Un homme anticonformiste :

Éric Alfred Leslie Satie, dit Erik Satie est un compositeur, pianiste et écrivain à ses heures perdues, né en 1866. Considéré comme excentrique par certains ou comme un précurseur par d’autres, Satie aime au travers de sa musique, faire des pieds-de-nez aux critiques et aux conventions sociales, en commençant par le conservatoire. C’est sa belle-mère musicienne qui l’y a inscrit mais il ne semble pas s’y intéresser, étant aux dires de professeurs, l’un des élèves les plus fainéants de l’établissement. Il se fait renvoyer deux ans et demi après le début de son apprentissage. Mais ce n’est pas la seule façon qu’il a eu d’exprimer son mécontentement. Il s’est un jour mis torse-nu au froid durant son service militaire afin de pouvoir rentrer chez lui. Il a été toute sa vie un anticonformiste, presque considéré comme fou. Peut-être légitimement ? Il protégeait de la pluie ses parapluies et en avait plus de cent dans son appartement. Il avait pour habitude de ne manger que de la nourriture blanche et il a créé sa propre religion, donc on comprend bien pourquoi on le considérait comme un original au sein de la société bridée du XIXe siècle. Cependant si sa santé mentale a quelque peu impacté les titres de ses œuvres, en allait-il de même pour sa musique ? Est-ce que sa musique extrêmement épurée, faussement simple, reflète l’état d’esprit du compositeur ?

 

Une vie de misère :

Le compositeur n’a jamais voulu faire visiter son appartement à Montmartre, pas même à ses amis. Ce n’est donc qu’après sa mort que les amis de Satie ont pu se rendre compte de la misère dans laquelle il vivait. Des lettres jamais ouvertes jonchaient deux pianos désaccordés attachés ensemble. Sa musique ne lui a jamais permis de vivre dans un grand confort comme cela a pu être le cas pour ses collègues compositeurs comme Ravel ou Debussy, mais jamais il n’a accepté l’aide financière que ses amis auraient voulu lui apporter. Tout au long de sa vie, il a donc enchaîné nombres de travails différents, à commencer par pianiste pour le cabaret du Chat Noir à Montmartre. Cette vie dure a plus que probablement joué un rôle important dans ses compositions.

 

Une musique « mélancolico-rigolote » :

Satie est vu par certaines personnes comme un homme rempli d’humour avant que ces derniers ne se rendent compte de la noirceur de son comique et de la tristesse et de la mélancolie qui transparaissent dans ses compositions. Un exemple d’humour à la Satie : on lui reproche de composer une musique sans forme alors il prend le conseil au pied de la lettre en composant un quatre mains pour piano qu’il nomme « 3 morceaux en formes de poires ». De surcroit, cette pièce dont le titre laisse penser qu’elle est constituée de trois morceaux, en comporte en réalité sept. Mais ce n’est pas la seule œuvre de Satie au nom extravagant. Il a composé en 1913 « Embryons desséchés » ainsi que « Croquis et Agaceries d’un gros bonhomme en bois », ou encore un an auparavant les « Préludes flasques (pour un chien) ». Mais la tristesse et le désespoir de Satie sont aussi ressentis dans ses œuvres. Il inscrit notamment parfois des indications sur la manière d’interpréter ses morceaux telles que « lent avec mélancolie », « lent et douloureux » ou encore « lent et triste » au début de ses trois gymnopédies. La musique de Satie a d’ailleurs été qualifiée de « mélancolico-rigolote » par Marcel Gotlib. C’est comme si l’humour de ses œuvres cachait en réalité un homme terriblement triste et miséreux. Et pour cause, la vie de Satie n’a pas été des plus simples.

 

Une musique qui marque :

Pourtant la musique de Satie a eu un très gros impact sur la musique moderne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ses compositions n’ont pas été appréciées à son époque. Les mélodies simples auxquelles nous sommes à présent habitués ou encore des dissonances qui nous paraissent tout à fait normales représentaient à l’époque un affront pour les académistes. On retrouve dans ses morceaux les harmonies du jazz auxquelles notre oreille est adaptée mais qui à l’époque ne plaisaient que très peu voire pas du tout. La musique pop a elle aussi été fortement influencée par les compositions de Satie. La musique de Satie pourrait presque être considérée comme intemporelle. Une musique ayant inspiré à la fois jazzmen, compositeurs de musique pop ou de jeux vidéo. Une mélodie simple, un accompagnement répétitif faisant l’aller-retour entre quelques accords aux sonorités nouvelles pour l’époque, mais que nos oreilles « modernes » comprennent grâce aux traces et à l’héritage qu’il a laissés dans le temps. Il n’est d’ailleurs classé dans aucun mouvement artistique mais a été reconnu précurseur de nombreuses écoles artistiques comme celles du néoclassicisme, du surréalisme, du minimalisme, de la musique répétitive ou encore du théâtre de l’absurde. En étant la source d’autant de mouvements, on peut effectivement laisser une grande marque dans l’histoire de la musique.

 

 

La musique d’Erik Satie est une musique techniquement simple à apprendre au piano. Toute la difficulté réside dans la justesse d’interprétation, dans les sentiments retransmis au travers de la musique. C’est un mélange de dureté et de douceur, de tristesse et d’espoir. C’est en ayant connaissance de cette musique « mélanolico-rigolote » que j’ai voulu adapter mon jeu. Mais cette interprétation n’appartient qu’à moi et un autre instrumentiste pourra ressentir cette musique d’une façon autre que la mienne. Ainsi, peut-être qu’en écoutant les œuvres de Satie, vous n’entendrez qu’une mélodie plate et sans intérêt quand d’autres trouveront leur justesse dans le choix des notes et des accords. Alors… à vos écouteurs !

 

Lien d'écoute de la 1ère Gnossienne : https://on.soundcloud.com/9EtxG